Alors comment résoudre l'équation ?
Si nous sommes des êtres programmés pour consommer toujours plus, à quoi bon réfléchir à une gestion collégiale des ressources planétaires ? Si l'être humain n'est pas capable de s'auto-gérer , alors faut-il qu'il soit implémenté de machines qui vont rationnaliser tout ça ? ( thèses transhumanistes et survivalistes, pass sanitaire, environnemental, crédit social ...)
Il apparaît dès lors une troisième voie , la voie de consolation, celle de l'idéologie du développement personnel . C'est selon Eva ILLOUZ , "l'idéologie rêvée du néolibéralisme" parce que cela sous-entend que c'est par le travail sur soi qu'on arrive à surmonter tous les problèmes , économiques et autres . Si tu es sans emploi, tu n'as qu'à traverser la rue pour trouver du travail ; si tu as des problèmes de poids , tu devrais faire attention à ton alimentation, faire du sport ; si tu ne réussis pas à l'école, tu n'as qu'à travailler davantage; si tu ne gagnes pas assez d'argent pour vivre , tu devrais chercher un deuxième ou un troisième travail ; si tu es malade ou handicapé , tu dois chercher un travail adapté ; si ton espérance de vie augmente , tu dois travailler plus longtemps ... Bref, la solution est en toi donc tu ne peux remettre en cause le système : pas de revendication collective, de classe, de genre, de nation, ...
La tristesse, la honte, la culpabilité deviennent des "pathologies" économiquement très rentables ... Les "happycondriaques" sont persuadés qu ' ils sont toujours trop pauvres, trop incultes, mal logés, mal nourris, trop maigres, trop gros, trop seuls, trop mal entourés, trop stressés au travail, trop stressés sans travail , que tout est de leur faute et qu'il suffit qu'ils se prennent en main pour que tout change ... C'est la philosophie du " quand on veut , on peut !" , " Accepte ton sort et apprend ! " ou " Croissez, multipliez !"
Depuis les confinements , le marché du bien être est en pleine expansion : la toile fleurit chaque jour de nouvelles formations, de solutions et de guides pour t'accompagner dans cette transformation. Comment envisager dans ce cas des luttes collectives ? Des changements dans la société ? Chacun étant responsable de son bonheur , à quoi bon envisager une action solidaire ? Une insurrection ? la moindre remise en cause du système ?
Constatant qu'on recrute déjà sur scanner du cerveau, que les banques n'accordent de prêts qu'aux gens bien portants, que partout s'installe l'inertie dans la société au nom de la psychologisation de toute chose, le sociologue Carl CEDERSTRÖM entrevoit la société de demain comme une société connectée de super minces et de super gros , un monde où la politique sera remplacée par la morale, les individus figés par le Syndrôme du bien être
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