Certains abordent Septembre comme une seconde chance  de réussir leur année et nos sociétés occidentales - dites civilisées - mettent la pression sur les individus , pour qu'ils réalisent en trois mois ce qu'ils n'ont pu faire en huit : exploser le chiffre d'affaires de la boîte, rentrer dans du 36 à Noël, aller à la salle de sport, à la piscine ou courir au moins 5 jours sur 7 , apprendre une langue, booster son CV  , se former à tout ... Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !

                                         Le millésime 2023 sera t-il un grand cru ?

crédit photographique@Phil Dum's  

 Et si Septembre était dans nos vies, nos carrières, nos maisons un mois charnière,  comme dans la nature : on récolte les fruits de la Terre et du Soleil, on les transforme en farine, en huile, en vin, en cidre, ... on fait des provisions pour l'hiver, on emmagasine les souvenirs des jours ensoleillés qu'on se remémorera plus tard , quand les jours seront au plus court et qu'il nous faudra ralentir ... 

Et si notre année est réussie , sans doute le devra t-on, comme le vin, à  l'élévation et à la quantité de lumière  à laquelle les raisins  ont été exposés , tout autant qu'au terroir sur lequel la vigne est enracinée . Quand le vin est tiré, il faut le boire !

Septembre nous invite ainsi à exprimer notre gratitude à cette terre qui nous nourrit, à cette terre qui nous héberge , à prendre conscience qu'il faut laisser le temps aux grains de mûrir, si on veut en tirer le meilleur  ... A l'heure où les plus jeunes construisent leurs rêves dans le métavers, accordons  leur de flâner encore un peu dans les chemins qui sentent  la noisette , de se rouler dans les bruyères ou de se tacher les mains sur les ronciers, de se connecter à cette encre violette , ce sang de poète dont  leurs tablettes  resteront muettes ...

 " L'Art et le vin sont les joies supérieures des hommes libres " aurait dit le philosophe antique, Aristote ... Et comme ici, on aime faire du lien qui rapproche et non qui attache , qu'on aime partager les belles énergies du moment, on a choisi pour cette rentrée de vous inviter à musarder du côté d'artistes , qui ont enchanté notre été Limousin ... 

Première escale dans le berceau de la tapisserie, la jolie petite ville creusoise de  Felletin . Installées  dans l'église Notre-Dame du Château jusqu'à fin octobre, les oeuvres d'Henri Guérin (1929-2009), peintre, maître verrier, cartonnier, vous attendent . "Apprenti de la lumière"tel qu'il s'était lui-même défini,  Il nous parle des arbres, des feuillages, des oiseaux, du vent, du souffle ...cite le moine Shitao sur la puissance du trait, l'observation de la Nature et la spiritualité du geste ...  Son souffle créateur a d'ailleurs rencontré l'oeuvre du premier des " Voyants ", Arthur Rimbaud , dont il réalisa une série de  cinq vitraux  pour illustrer le sonnet des" Voyelles" . 

Quelque chose qui nous ramène à Soulages ou Bobin ... C'était également une très belle plume !

         Notre escapade se poursuit  avec un artiste qui a exposé tout l'été à la galerie L'Improbable , à Limoges , Philippe Tallis, "un calligraphe du geste" : artiste contemporain, peintre, sculpteur, il tire de sa petite enfance sur le continent africain une passion pour les grands fauves, le monde animal, mais aussi la danse, les corps en mouvement ... Sa passion pour le mouvement l'a conduit à saisir le portrait de personnalités comme Carolyn Carlson, Nijinsky, Beckett, Bartabas, ... Il émane de son travail une énergie créatrice, un souffle à la fois étrange et fascinant : quelques touches de couleur aquarellées, floues, improbables, des lignes qui s'entrecroisent et soudain l'animal est là ! De même , le fer ou la pierre brute semblent palpiter sous les outils, comme révélés par le geste ! 

Un p'tit dernier pour la route ? 

Dans une petite galerie , près des halles, vous pourrez découvrir les oeuvres de René Bokul , artiste originaire du Congo , établi en Limousin depuis une dizaine d'années. A la fois Peintre et Sculpteur, cet artiste contemporain , à la carrière internationale, aime détourner les oeuvres classiques en travaillant sur la lumière et la pixellisation des images . Parfois sa technique s'apparente au travail du vitrail, parfois plus figurative et colorée, largement inspirée de scènes traditionnelles du quotidien des femmes africaines . Sa sculpture , à base de résines et de cendres de cartons recyclés, exprime une vision plus tourmentée de l'humanité , visages et corps torturés, disloqués, comme perdus ...  Cette bipolarité artistique semble vouloir exprimer avec Aragon que "La femme est l'avenir de l'homme" .