
La minute philo du week-end : dragons, moissons et grenades
Dragons, moissons et Grenades

Tandis qu'en ce 29 septembre, on célèbre la saint Michel et que dans un ciel bien dégagé luit la pleine lune des Moissons , ici, sur le plancher des vaches, comme on dit en Limousin, on s'intéresse à l'énergie Métal du moment ...
C'est le moment de terrasser nos dragons : Saint Michel nous prête son glaive pour séparer le bon grain de l'ivraie, faire le bilan des récoltes de l'année . L'énergie Métal est une énergie qui condense : on presse les fruits , on vendange, on moissonne ... C'est le moment de se féliciter de ce qu'on a réussi dans cette année, de noter tout ce qu'on a appris, les leçons que l'on a tirées mais également de trier ce qui doit être composté, ce dont on ne veut plus, ce qui ne nous est plus utile pour ne garder que les bonnes graines en vue des récoltes de l'été prochain.
J'ai alors choisi pour illustrer mon propos deux petites figurines , qui incarnent à la fois l'énergie du moment dans ce qu'elle a de solaire et généreux , comme dans l'ombre qu'elle porte sur notre humanité. C'est pourquoi j'aimerais - à la lumière de cette pleine lune - revenir sur le sens de deux mots , qui ont pollué les discours ces dernières semaines : les mots "barbares et "ensauvagement".
Le terme de "barbares" dans l'Antiquité est d'abord synonyme d' "étrangers" ; il provient d'une onomatopée grecque, qui désignait tous les peuples non-Grecs , potentiellement ennemis, dont on méprisait les moeurs . Le terme de "sauvages" provient lui d'une altération d'un mot latin, - silvaticus-, qui désignait "ceux qui vivent dans la forêt". Au fil du temps, les étrangers ont été considérés comme des bêtes, sortant du bois, avec des moeurs qui les rapprochaient de l'état de nature et les éloignaient de la civilisation. Il faudra attendre l'Humanisme de la Renaissance et ensuite le siècle des Lumières, pour que naisse et se développe le mythe du "Bon Sauvage". De Montaigne à Rousseau, nos philosophes nous amènent alors à décaler le point de vue pour questionner l'état de nature et les supposés bienfaits de la civilisation - du moins telle qu'elle était conçue en Occident ; ainsi "chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage".( Montaigne).
Avec l'idéologie nazie et le traumatisme de la Shoa , les certitudes du monde occidental vacillent : un nouveau cap a été franchi ; peut-on encore parler de "barbarie" ?
C'est sous la plume d'Aimé Césaire , en 1950, que s'opèrera un premier renversement dialectique : dans son Discours sur le Colonialisme, la barbarie semble avoir changé de camp ! La brutalité des colons, le racisme, l'esclavagisme, la "chosification" de l'être humain, la destruction de civilisations riches et fraternelles ... sont des vérités que l'homme occidental ne peut plus nier .
Qu'en est-il aujourd'hui à l'heure de la mondialisation galopante ? de la menace du changement climatique ?
De nouvelles peurs sont à l'oeuvre , un nouveau renversement dialectique : ces termes sont récupérés par la Droite et l'extrême Droite , qui évoquent le retour de la barbarie, proférant des discours sécuritaires et nationalistes, parlent de l' "ensauvagement" des quartiers populaires, etc.
La récente visite du Pape à Marseille aurait pu apparaître aux yeux de l'opinion publique française et européenne , comme une sorte de recadrage idéologique : son appel à la fraternité et à l'accueil des migrants aurait pu déciller le regard de ceux qui - drapés dans l'opulence et le mépris - ont transformé la Méditerranée en cimetière et les territoires autour en champs de bataille, en mines ...
Les "bons sauvages" ne seront-ils pas à l'avenir ceux qui auront Recours aux forêts, recourant à de nouvelles formes de civilisations plus proches de l'état de nature, basées sur la fraternité et l'entraide, moins consuméristes , compétitrices et belliqueuses ?
La tentation de Démocrite rejoint la voie du Tao ...
Autorisons nous à tirer les leçons des saisons passées si l'on veut pouvoir penser l'avenir !

