Il faut que ça glisse !
En ces temps de sports d'hiver, paraissait ,il y a quelques jours, une tribune dans Le Monde, signée par trois responsables écologistes et un urbaniste , livrant leurs conclusions et propositions pour envisager l'après "Or Blanc". Partant du constat que l'élévation des températures en montagne est deux fois plus rapide qu'en plaine, c'est plus de 80% du parc consacré au ski de pistes qui devrait disparaître dans les 20 prochaines années. Il serait temps de changer de modèle !
Les sports d'hiver sont nés dans les années 20 et sont devenus dès le milieu des années 70, un marqueur de réussite sociale pour la classe moyenne . Pour une famille de 4 , dans les années 80, il fallait compter environ 4000 Francs -soit environ 1300€ la semaine (hébergement, location matériel et forfaits). C'est près de 3000€ qu'il faut aujourd'hui débourser pour les mêmes prestations - ce qui équivaudrait à presque 9000 Francs de l'époque (convertisseur Insee). Il est clair qu'à ce tarif là , ça ne glisse pas pour tout le monde !
Avec l'exemple des sports d'hiver et de leur impact sur nos massifs montagneux, sur le cycle de l'eau, on réalise que la crise climatique se double d'enjeux démocratiques, éthiques, économiques, géo-stratégiques, politiques , sociaux ... : faut-il démocratiser les sports d'hiver ? faut-il repenser notre rapport au travail ? faut-il légiférer sur l'utilisation commune du Vivant ? faut-il laisser les riches saccager la planète ? faut-il envisager de changer de planète ? ... Est-ce encore temps ?
Il aura ainsi fallu moins d'un siècle pour transformer l'image de la Montagne dans l'inconscient collectif , de haut lieu de retraite, d'ermitage en parc d'attractions , où l'on s'entasse. Depuis la plus haute Antiquité, la Montagne a toujours représentée cet espace vertigineux où l'homme pouvait éprouver sa vulnérabilité, sa petitesse, son humilité , sa toute petite place dans l'Univers . Que s'est-il passé ?
Notre civilisation semble aujourd'hui malade de ce consumérisme touristique ... comme si l'homo occidentalis avait basculé du côté obscur de la force ... peut-être nous faut-il nous tourner vers d'autres horizons, avec des philosophes comme Philippe Descola ou Achille Mbembe : repenser notre rapport au Vivant, aller voir du côté des mythes ancestraux des peuples autochtones de tous les continents pour penser la crise écologique .
"Il nous revient de faire sauter les verrous de la race, de la communauté et de la différence pour nous poser la question du semblable, du prochain et de l'en-commun."
Achille Mbembe